Histoire et évolution de la protection du trait de côte
La genèse de la protection du littoral
En 1883 est formée pour une durée de 5 ans l’ « Association Syndicale de la Station Balnéaire d’Hermanville-sur-Mer » qui a pour objet les travaux de protection contre la mer. En 1887, est créée l’ « Association Amicale des Riverains d’Hermanville-sur-Mer ». En 1892, un document signé par les membres de l’association, dont le président est M. Henri Gravier, est déposé à l’étude notariale de Douvres pour confirmer les servitudes imposées à la construction des villas.
L’entre-deux-guerres
De 1937 à 1939, la situation devient inquiétante. En 1937, elle est évoquée par le vice-président M. Hénon en ces termes : « Vous vous êtes rendu compte des dégâts sur nos lais de mer occasionnés par la grande marée de mars. En certains endroits, il ne reste pas un mètre de lais de mer devant les propriétés. Une première mesure s’impose : la création d’un Syndicat de défense contre la mer ». Le 16 août 1939, le président Marcel Paul envoie une lettre aux propriétaires faisant état de l’accord unanime des participants à l’assemblée générale du 12 août pour « la création d’une Association Syndicale Autorisée, comprenant tous les propriétaires riverains de Lion-sur-Mer à Colleville ». Mais quelques semaines plus tard, la guerre éclate.
L’interruption consécutive à la guerre et l’absence d’attaques de la mer
De 1948 à 1952, aux assemblées de l’Association Syndicale Libre, il n’est évoqué que la remise en état de la promenade et des lais de mer, consécutivement aux dégâts du Débarquement (D-Day). Cette situation s’explique par les propos prononcés en 1953 par M. Dupuis, vice-président : « Les travaux de défense des allemands (un réseau continu de barbelés sur les lais de mer ou sur le rivage a permis à la végétation de pousser et de fixer le sable) contre un débarquement éventuel nous ont protégés de la mer, s’ils n’ont pas eu pour effet de protéger l’occupant contre le débarquement. En 1945, les lais de mer endommagés sont reconstitués avec les décombres des villas sinistrées. Enfin, les épaves fixent le sable pendant plusieurs années ».
La nécessité d’une structure dédiée face aux dégâts des tempêtes
« Le 2 octobre 1952, coup de tonnerre sur notre plage. Une très violente tempête bouscule la digue devant la villa les Dunes, enlève les lais de mer entre les villas les Dunes et les Heures Claires, coupe la promenade devant M. Rozelle et surtout abaisse le niveau de la plage de 1,5 m environ ». Il est alors décidé de construire immédiatement quelques épis pour remonter le niveau du sable et de les financer par le solde des dommages de guerre. Le 10 octobre, nous avons une proposition d’un entrepreneur spécialisé, le 14, nous demandons à chacun de vous un pouvoir spécial… le 4 novembre, nous avons suffisamment de pouvoirs… et avons obtenu l’accord verbal du MRU… Début décembre, les travaux du premier épi sont commencés, le 18 décembre, nous assistons, désarmés, à une nouvelle offensive de la mer. Le 22 décembre, on ordonne la construction d’un deuxième épi, puis le 27 janvier, d’un troisième. Nos ressources sont alors complètement épuisées. Mais en février M. Michel Paul, de passage à Hermanville-sur-Mer, se rend compte de la situation et commande à son compte un 4e épi. Qu’il en soit remercié. Les épis, longs de 45 m comportent une rehausse posée après une première remontée du sable car des épis trop hauts produisent un effet contraire à celui recherché».
Les statuts de l’association « libre » ne lui permettent pas de lever des fonds, solliciter des subventions ni contracter des emprunts. Ce point crucial est dommageable car il obère l’avenir et la capacité future à faire face au financement de travaux de renforcement ou réparation qui seraient rendus nécessaires par des dommages et dégâts lors des grandes marées d’équinoxe, tels que déplorés lors de l’hiver 1952/1953.
Une association "Autorisée"
La création en 1953 de « l’Association Syndicale Autorisée d’Hermanville-sur-Mer pour La Défense contre la Mer » répond à cette préoccupation car sa nature juridique et ses statuts permettront désormais à l’association d’appréhender et engager les démarches nécessaires pour faire face à ses besoins financiers, tant de fonctionnement que d’investissement.
L’assemblée constitutive du 11 octobre 1953 fait suite à la désignation de M. Dupuis comme président par un arrêté préfectoral du 31 juillet. 10 propriétaires sont présents dont M. Spriet, maire d’Hermanville-sur-Mer. Le commissaire enquêteur a déposé un rapport favorable à la constitution de l’association. Le débat porte sur les points suivants : les mouvements du sable qui part et revient ; la plage appartient à l’État mais les lais de mer et la promenade appartiennent aux propriétaires riverains, qui ont déjà pris l’initiative de la création d’épis ; l’intérêt des propriétaires de l’arrière à participer à la défense de la plage avec une répartition équitable des charges (70% pour 51 riverains, 30% pour les 120 de l’intérieur). À la demande faite « s’il ne serait pas possible de grouper tous les syndicats de la plage, M. Dupuis répond que c’est en effet souhaitable mais que la présente association, qui est une association autorisée, ne peut avoir pour but que la lutte contre la mer ».
À l’assemblée générale du 7 août 1954, sont présents ou représentés 122 propriétaires. Après une longue discussion portant en particulier sur le périmètre concerné par la syndicat, le procès-verbal de l’assemblée constitutive est voté par 23 votants pour, 17 contre. Il est procédé à l’élection de 15 syndics. Le premier bureau du syndicat a donc été constitué, autour du président Dupuis, de messieurs Bazex, Bolla, Lapouza, Métayer, Noblet, Roy-Poulet, Spriet, Lainey, Desgasches, Mathieu, Rousseau, Le Grand, Preaux et Stolz.
Les épis
M. Dupuis, président, présente un rapport moral pendant l’assemblé générale du 6 août 1955 : Des travaux ont été engagés pour 3 nouveaux épis après une attaque des lais de mer à hauteur de Tanagra, ce qui n’a été possible que par une subvention du Conseil général et un prêt garanti par la commune, « car nous ne pouvions attendre la rentrée des cotisations, très insuffisantes d’ailleurs. L’effet fut immédiat : le sable est remonté d’environ 1,5 m devant Tanagra. La plage est maintenant convenable dans toute sa longueur. Je souhaite qu’elle reste longtemps ainsi ».
« Comme prévu, trois épis ont été mis en place au cours de l’hiver, deux ont fait leur effet immédiatement, malheureusement le 3e a été emporté au cours d’une tempête de printemps. Force est de constater qu’en cette fin d’été le niveau général de la plage est très bas, les grandes marées d’hiver sont inquiétantes. Il est discuté enfin d’une défense frontale qui à 100 000 francs le mètre représenterait une dépense de 175 millions francs. Une étude sera faite au cours de l’hiver pour une dépense frontale simple au pied du talus ». Les décisions du syndicat sont adoptées à l’unanimité à l’AG du 29 août 1959.
M. Dupuis, président présente un compte rendu d’activité pendant l’AG d’août 1960 : « En sept années d’existence, 11 épis ont été construits. Le coût total a été de 6 639 000 francs auxquels s’ajoutent des frais de secrétariat, de perception et de contentieux… ». Le financement a été assuré comme suit :
- subvention du département : 28% ;
- subvention de la commune : 7% ;
- dommages de guerre apportés par les propriétaires riverains : 32% ;
- cotisations : 33%.
Le besoin d’une protection supplémentaire
Rapport de M. Dupuis, président lors de l’AG d’août 1961 : « en décembre le niveau de sable baissait dangereusement entre Brèche de la Rosière et la Grande Brèche, et aux grandes marées de la fin du mois conjuguées avec une forte tempête, un bout important de mur disparaissait en quelques heures. Le niveau de la plage se trouvant anormalement bas la situation était grave et il était certain qu’aux grandes marées de janvier, la promenade serait coupée et peut-être même pire. J’ai avisé immédiatement les Ponts et Chaussées et entre les deux grandes marées nous avons pu étudier le problème, décider d’une défense frontale semblable à celles qui ont été mise en place à Courseulles. Mais la note se montait, avec des travaux annexes sur les épis existants, à près de 2,3 millions francs. La caisse n’était pas très garnie mais j’ai pensé qu’il ne fallait pas attendre pour passer aux actes. Depuis l’exécution des travaux nous avons reçu une subvention de 50% du Département, demandé une aide de 3 000 francs à la commune et relevé la cotisation à 7 francs le mètre. Les Ponts et Chaussées ont étudié une défense frontale du même genre devant la partie menacée, mais plusieurs propriétaires et Monsieur Spriet, maire, ont estimé qu’on devrait établir une défense définitive en béton. La dépense serait alors de 1 000 francs du mètre linéaire : elle est considérable et la participation des riverains protégés serait nécessaire, un emprunt aussi, peut-être. M. Dupuis attire l’attention sur l’impératif de ne pas engager de travaux qui absorberaient plus de deux ans de recettes, car il faut que les autres propriétaires puissent être défendus à tout moment ».
Le projet de digue
Monsieur Fichot, nouveau président, ouvre la séance lors de l’AG d’août 1963 : « Monsieur Maisse, ingénieur des Ponts et Chaussées, expose avec clarté les données techniques qui l’ont amené à concevoir le projet de digue et donne les raisons pour lesquelles cette forme a été adoptée et étudiée par ses services » De nombreuses questions lui sont posées, en particulier que le muret de 0,60 m soit supprimé et que le projet soit étendu à tout le littoral de la commune ». Le projet financier adopté est le suivant :
- 30% pris en compte par le Ministère des Ponts et Chaussées ;
- 35% par le département ;
- 30% par les propriétaires ;
- 5% par le Syndicat de Défense Contre la Mer.
Ce projet impliquera un emprunt sur 15 ou 20 ans auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations. Le Syndicat prend en charge les épis et les escaliers. La mairie d’Hermanville-sur-Mer prend en charge les descentes à la mer et la digue devant les rues et avenues.
La réalisation de la digue
Elle se fera en trois étapes :
Une 1re tranche terminée fin 1965 avec un crédit de 800 000 francs, emprunt de 400 000 francs sur 20 ans garanti par la commune d’Hermanville-sur-Mer.
Une 2e tranche terminée fin 1966 pour un montant de 550 000 francs : État 20%, département 40%, Association Syndicale 40% via un emprunt de 320 000 francs.
Une 3e tranche répondant au souhait de « propriétaires riverains faisant partie d’Isaville (qui) ont écrit pour demander leur rattachement à notre Syndicat. » Cela a nécessité une modification du périmètre et des statuts de l’Association. La consultation des propriétaires d’Isaville, les enquêtes de la Préfecture, l’approbation unanime des membres de l’Association Syndical Autorisée, puis l’arrêté préfectoral se sont traduits par l’extension de la digue jusqu’à Colleville en 1970/71.
Extrais des documents rédigé par Bernard Dupuis en 2010 à partir des archives des associations.
Présidents successifs depuis la création en 1953
1953 : M. Jean Dupuis
1962 : M. Armand Fichot
2002 : M. Stéphane Hamelin
2006 : M. Jean-Pierre Meunier
2011 : M. Jean-François Decelle
2015 : M. Alain Mazzoli
2019 : M. Pierre-Paul Cochet